• 6 juin 1944

    En ce jour je pense à Maman.

    Elle s'était mariée la semaine précédente à Amiens et allait à Rennes avec son mari où il était nommé professeur à la faculté de droit. Ils se sont arrêtés à Fougères. Une bombe est tombée sur la maison et elle a été la seule à en sortir vivante avec le crâne ouvert. Elle a perdu l'odorat et les coiffeuses étaient les seules à voir la cicatrice sur son crâne.

    Elle m'a raconté que pendant qu'on la soignait il y a eu une attaque aérienne et que le chirugien s'est caché sous sa table d'opération.

    Quand la nouvelle du bombardement est arrivée à Amiens un de ses cousins est parti la chercher. Arrivé là-bas il a continué à la chercher bien qu'elle figurait sur la liste des morts et il l'a retrouvée vivante dans un hôpital. Il n'a jamais pu expliquer pourquoi il avait continué ses recherches.

    Mon grand-père est aussi parti à la recherche de sa fille. Il était ami avec le ministre des postes et a voyagé dans des voitures de la poste avec un laissez-passer du ministre. Je ne sais plus combien de voitures de la poste il a vu brûler. Quand il y avait une attaque d'avions il se réfugiait dans le fossé avec le postier et continuait à pieds jusqu'à la prochaine poste. Quand il a retrouvé Maman elle était assise sous un arbre un gros pansement sur la tête et elle a reconnu tout de suite deux grandes jambes et une serviette qui étaient à sa hauteur.(Mon grand-père était grand).

    Son beau père a été odieux après en disant qu'en conservant sa bague de fiançaille c'était bien payé.

    En 1958 elle se remariait avec mon père. Pendant leur voyage de noces il a eu un malaise. Elle a cru que l'histoire se répétait et qu'elle serait encore veuve mais ce n'était qu'une indigestion. Leur mariage dura 43 ans.

    Je pense que j'ai été le bébé le plus propre. Ma mère n'ayant plus d'odorat mes couches étaient changées même si cela ne s'imposait pas. 

    A 24 ans j'ai mesuré la chance que j'avais de vivre dans un pays en paix. A cet âge mon père avait pris des écats d'obus dans le genou après la libération de Strasbourg et ma mère était blessée et veuve.


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  • Commentaires

    1
    grabotte
    Mercredi 6 Juin 2012 à 19:44
    grabotte

    Pas étonnant que la fille soit de la même trempe ! Bisous

    2
    Marc.
    Jeudi 7 Juin 2012 à 07:56

    Les guerres laissent des blessures au coeur qui ne cicatrisent jamais.  

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    3
    Jeudi 7 Juin 2012 à 11:01

    C'est vrai que ces générations-là ont  beaucoup souffert !Nous avons eu la chance de naître dans un pays moderne et pacifié .

    Mon grand-père a été amputé de la jambe à 4o ans après avoir reçu une balle dans le genou la veille de la libération de notre région en Belgique ..là- dessus ma grand-mère a perdu le bb qu'elle attendait ....il n'y avait plus d'argent à leur foyer ..la misère !!

    bouh ...pensons à autre chose ...bonne journée !!

    4
    Vendredi 8 Juin 2012 à 08:41

    Il m'arrive de me demander si j'aurais eu le courage de mon père et des femmes de sa famille. Lui, comme tu le sais, a eu une jambe arrachée en Alsace. Ma grand-mère, mon arrière-grand-mère et ma tante ont tout perdu sous les bombardements du Cotentin et elles sont sorties vivantes par un véritable miracle : Restées coincées dans un escalier, lorsqu'on est venu les délivrer c'était tout ce qui restait de leur maison et de la place du village qui n'était plus qu'un trou ! Oui, à côté d'eux nous avons eu une jeunesse bien douce...

    5
    Vendredi 8 Juin 2012 à 19:32

    c'est une histoire très personnelle, mais aussi très intéressante que tu nous racontes...pas d'odorat, avait-elle conservé le goût?  l'histoire de la bague... assez sordide! à bientôt!

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